La mondialisation impose de
nouvelles orientations à la diplomatie économique. Les acteurs (États, Firmes
transnationales, Institutions internationales, Organisations régionales, ONG…)
et les enjeux (le commerce international, les investissements, les migrations,
l'aide, l’action des ONG, la sécurité économique …) qui la déterminent, obéissent
aujourd'hui à une logique multilatérale. La globalisation libérale et ses
corolaires dont la puissance des marchés et l’explosion de la finance
internationale composent désormais avec ses principales caractéristiques. Elles
se manifestent dans l’explosion des flux (hommes, marchandises, capitaux,
échanges immatérielles) et dans les réseaux de notre village
planétaire avec des moyens de communication démultipliés et d’expression
immédiats. Au-delà des apparentes mobilités internationales et des relations
relativement libres, les coudées ne sont pas réellement franches. Nos pays sont
particulièrement sous l’influence des Institutions de Bretton Woods, de l’OMC,
des institutions spécialisées, des agences et des nombreux programmes des
Nations Unis. À cela s’ajoute l’impact réel d’institutions économiques
régionales, d’accords, de zones et d’associations qui déterminent les
partenariats et réduisent le poids des États.
Au niveau national, le président
Macky Sall avait promis, durant la campagne électorale de créer six pôles de
développement économique, de recentrer les rôles de la Caisse de Consignation
et de Dépôt et ses objectifs de mobilisation financière, de construire des
logements sociaux, de moderniser l'agriculture, de mettre en place le FONGIP et
le FONSIS, de doter le pays d’infrastructures et d'énergie et surtout d’appuyer
les PME-PMI et de booster les industries intermédiaires. Ces choix pertinents
connaissent des avancées significatives, même s’il reste beaucoup à faire. L'économie
étant l'un des champs majeurs de l'activité diplomatique, comment ces efforts à
l’échelle du pays et l’assainissement progressif des affaires peuvent être
exploités dans nos représentations stratégiques pour servir pleinement le Yoonu
Yokkuté ?
Le Ministère des Affaires Étrangères
et des Sénégalais de l’extérieur a un rôle central à assumer dans cette articulation.
En parallèle avec ses prérogatives traditionnelles, il doit donner du contenu à
la célèbre mais jusqu’ici stérile intention d’attirer des investissements
étrangers créateurs d’emplois. En collaboration avec les autres pans du
gouvernement et les administrations compétentes, il doit œuvrer pour la mise en
place d'un cadre de régulation favorable et d’un environnement globalement
propice au déploiement de l’entreprise, de l’industrie et des affaires. Pour convaincre
sur ce plan-là et sortir enfin de la spirale de l’aide qui ne nous permettra
jamais de nous passer de l’aide, pour paraphraser Thomas Sankara, il faut qu’on
commence à proposer autre chose que nos carences. Dans ces rendez-vous du
« donner et du recevoir » économique, pour songer à Senghor, une
autre voix qui nous manque dans cette médiocrité conquérante, il faut vendre
des spécificités authentiques et arrêter de débarquer au marché avec des
concepts et des produits dont on ignore tout de l’élaboration. La première
responsabilité du président de la République et du MAE, à ce propos, se situe dans le choix
des hommes et des femmes devant constituer des relais, notamment dans les
bureaux économiques de nos représentations diplomatiques. Jusqu’ici, les
acteurs promus à notre connaissance laissent pantois tous les observateurs internes objectifs. Il est évident
que leur compréhension de leurs missions stratégiques et de leurs enjeux sont
plus que problématiques. Peut être sont-ils là seulement pour jouir du
privilège d’être nommé ? En tous cas, nous aimerions pouvoir leur
reconnaitre une compétence et une expérience quelconque pour continuer à
espérer des horizons meilleurs.
Loin de nous l’idée de discuter le pouvoir
discrétionnaire de notre Président si au fait des relations
internationales et dont les communications extérieures nous honorent tous. Nous
pensons que les médiations politiciennes très envahissantes et parfois intimes qui
président à ces choix l’abusent malencontreusement. Macky Sall connait-il le
vrai profil de ces représentants ? Ces derniers savent-ils seulement que
la diplomatie économique est un pilier central des relations extérieures ?
Sauront-ils convaincre et attirer des investissements étrangers au Sénégal,
être à la hauteur et à l’aise dans des visites et des entretiens avec le monde
des affaires, améliorer les outils d'influence et de promotion de nos intérêts
économiques, former et recruter un personnel compétent, communiquer pleinement
sur nos atouts et surtout dialoguer régulièrement avec les acteurs économiques
nationaux et internationaux sans que des automatismes rédhibitoires installent
le doute dans les rapports ? Le report de la rencontre avec le Club de
Paris porte à croire que non.
Le Yoonu Yokkuté a pour ambition de
remettre le pays en orbite et cela demande des investissements importants aussi
bien nationaux qu’internationaux. Une volonté politique ferme qui comprend les
concessions nécessaires entre autorités publiques, entre acteurs privés et
entre autorités étatiques et non étatiques peut réaliser ce projet. Il est
nécessaire de rompre avec la vision traditionnelle de la diplomatie sénégalaise
qui nous renvoie des images de « beaufs » désabusés se cachant
derrière une préciosité ridicule et un devoir de réserve dont la principale
vertu est de masquer les insuffisances et de garantir l’oisiveté. Nous voulons
désormais, partout, des « diplomates économiques », à l’image de ces
jeunes loups en jean qui représentent leurs pays chez nous en Afrique et qui
facilitent aux leurs l’exploitation de nos ressources. Il n’est jamais trop
tard.
Ben Yahya SY, CCR France/Sénégal & Latyr DIOUF, CCR France

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