samedi 2 novembre 2013

DIPLOMATIE ÉCONOMIQUE ET YOONU YOKKUTÉ.





La mondialisation impose de nouvelles orientations à la diplomatie économique. Les acteurs (États, Firmes transnationales, Institutions internationales, Organisations régionales, ONG…) et les enjeux (le commerce international, les investissements, les migrations, l'aide, l’action des ONG, la sécurité économique …) qui la déterminent, obéissent aujourd'hui à une logique multilatérale. La globalisation libérale et ses corolaires dont la puissance des marchés et l’explosion de la finance internationale composent désormais avec ses principales caractéristiques. Elles se manifestent dans l’explosion des flux (hommes, marchandises, capitaux, échanges immatérielles) et dans les réseaux de notre village planétaire avec des moyens de communication démultipliés et d’expression immédiats. Au-delà des apparentes mobilités internationales et des relations relativement libres, les coudées ne sont pas réellement franches. Nos pays sont particulièrement sous l’influence des Institutions de Bretton Woods, de l’OMC, des institutions spécialisées, des agences et des nombreux programmes des Nations Unis. À cela s’ajoute l’impact réel d’institutions économiques régionales, d’accords, de zones et d’associations qui déterminent les partenariats et réduisent le poids des États.



Au niveau national, le président Macky Sall avait promis, durant la campagne électorale de créer six pôles de développement économique, de recentrer les rôles de la Caisse de Consignation et de Dépôt et ses objectifs de mobilisation financière, de construire des logements sociaux, de moderniser l'agriculture, de mettre en place le FONGIP et le FONSIS, de doter le pays d’infrastructures et d'énergie et surtout d’appuyer les PME-PMI et de booster les industries intermédiaires. Ces choix pertinents connaissent des avancées significatives, même s’il reste beaucoup à faire. L'économie étant l'un des champs majeurs de l'activité diplomatique, comment ces efforts à l’échelle du pays et l’assainissement progressif des affaires peuvent être exploités dans nos représentations stratégiques pour servir pleinement le Yoonu Yokkuté ?



Le Ministère des Affaires Étrangères et des Sénégalais de l’extérieur a un rôle central à assumer dans cette articulation. En parallèle avec ses prérogatives traditionnelles, il doit donner du contenu à la célèbre mais jusqu’ici stérile intention d’attirer des investissements étrangers créateurs d’emplois. En collaboration avec les autres pans du gouvernement et les administrations compétentes, il doit œuvrer pour la mise en place d'un cadre de régulation favorable et d’un environnement globalement propice au déploiement de l’entreprise, de l’industrie et des affaires. Pour convaincre sur ce plan-là et sortir enfin de la spirale de l’aide qui ne nous permettra jamais de nous passer de l’aide, pour paraphraser Thomas Sankara, il faut qu’on commence à proposer autre chose que nos carences. Dans ces rendez-vous du « donner et du recevoir » économique, pour songer à Senghor, une autre voix qui nous manque dans cette médiocrité conquérante, il faut vendre des spécificités authentiques et arrêter de débarquer au marché avec des concepts et des produits dont on ignore tout de l’élaboration. La première responsabilité du président de la République et du MAE, à ce propos, se situe dans le choix des hommes et des femmes devant constituer des relais, notamment dans les bureaux économiques de nos représentations diplomatiques. Jusqu’ici, les acteurs promus à notre connaissance laissent pantois tous les observateurs internes objectifs. Il est évident que leur compréhension de leurs missions stratégiques et de leurs enjeux sont plus que problématiques. Peut être sont-ils là seulement pour jouir du privilège d’être nommé ? En tous cas, nous aimerions pouvoir leur reconnaitre une compétence et une expérience quelconque pour continuer à espérer des horizons meilleurs. 

Loin de nous l’idée de discuter le pouvoir discrétionnaire de notre  Président si au fait des relations internationales et dont les communications extérieures nous honorent tous. Nous pensons que les médiations politiciennes très envahissantes et parfois intimes qui président à ces choix l’abusent malencontreusement. Macky Sall connait-il le vrai profil de ces représentants ? Ces derniers savent-ils seulement que la diplomatie économique est un pilier central des relations extérieures ? Sauront-ils convaincre et attirer des investissements étrangers au Sénégal, être à la hauteur et à l’aise dans des visites et des entretiens avec le monde des affaires, améliorer les outils d'influence et de promotion de nos intérêts économiques, former et recruter un personnel compétent, communiquer pleinement sur nos atouts et surtout dialoguer régulièrement avec les acteurs économiques nationaux et internationaux sans que des automatismes rédhibitoires installent le doute dans les rapports ? Le report de la rencontre avec le Club de Paris porte à croire que non.



Le Yoonu Yokkuté a pour ambition de remettre le pays en orbite et cela demande des investissements importants aussi bien nationaux qu’internationaux. Une volonté politique ferme qui comprend les concessions nécessaires entre autorités publiques, entre acteurs privés et entre autorités étatiques et non étatiques peut réaliser ce projet. Il est nécessaire de rompre avec la vision traditionnelle de la diplomatie sénégalaise qui nous renvoie des images de « beaufs » désabusés se cachant derrière une préciosité ridicule et un devoir de réserve dont la principale vertu est de masquer les insuffisances et de garantir l’oisiveté. Nous voulons désormais, partout, des « diplomates économiques », à l’image de ces jeunes loups en jean qui représentent leurs pays chez nous en Afrique et qui facilitent aux leurs l’exploitation de nos ressources. Il n’est jamais trop tard.
 Ben Yahya SY, CCR France/Sénégal & Latyr DIOUF, CCR France

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