La
notion de citoyenneté remonte à l'Antiquité. Très tôt intégrée par les
civilisations grecque et latine, elle renvoyait à l’appartenance à une cité.
Avec l'émergence des États, la citoyenneté devient un statut juridique, une
condition soumise aux droits, notamment
celui de voter et de participer à la vie civique en général. Le statut de
citoyen implique, par ailleurs, des devoirs en contrepartie de sa légitimité.
Le respect de ses droits et de ses devoirs permet de renforcer le lien social
et de garantir les équilibres nécessaires au pacte républicain. C'est ainsi que
chaque citoyen détient dans une égalité idéale une part de la souveraineté
politique. Dès lors, les termes « nation » ou encore « intérêt
général » devraient résonner comme une convergence de citoyenneté.
Dans
cette rapide entrée en matière, une hypothèse primordiale est
sous-jacente : l’humaine substance, dans son hétérogénéité, ferait les
citoyens. Assurer une égalité de principe, une unité dans la diversité est
alors un enjeu de taille. Les pays considérés aujourd’hui comme de grandes
démocraties sont souvent ceux qui ont franchi la délicate étape de la
sécularisation et de l’abolition formelle de certains privilèges. La
citoyenneté peut, en effet, trouver son sens à partir d’une séparation entre
l’État et la religion mais surtout dans la volonté d’un peuple d’aller dans la
même direction en respectant ses propres lois. Cicéron ne disait-il pas qu’un
peuple n’est pas toute réunion d’hommes assemblés au hasard, mais seulement une
société formée dans l’acceptation d’un droit?
Un
Peuple, un But, une Foi, la devise de la République du Sénégal reprend, en
quelque sorte, les fondamentaux de l’idéal citoyen en insistant sur sa finalité
et la sincérité indispensable à sa réalisation. Malgré les bouleversements
majeurs de notre vie politique, notre pacte Républicain est souvent sauvegardé,
voire renforcé. Mais, il est constamment remis en question par les abus des
pouvoirs face à un peuple aux prises avec sa propre survie. Les défis du
quotidien sont bien souvent la principale priorité des Sénégalais. Face à cette
course effrénée pour une existence décente, se dresse une catégorie de citoyens
privilégiés dont les ressources proviennent des biens communs. Aussi, la traque
des biens mal acquis initiée par le président Macky Sall trouve-t-elle toute sa
pertinence. La récente affaire des 47 milliards de patrimoine financier
attribués à une responsable politique de l’ancien régime met à mal le principe
de l’égalité de tous que doit assurer un État de droit. Cette fortune
individuelle qui donne le vertige interpelle tout citoyen sur les inquiétantes
dérives dans la gestion des deniers publics. Au même moment, les multiples
garants de l’autorité morale si prompts à se dresser en objecteurs de
consciences se distinguent par un mutisme coupable, à défaut d’intercéder en
faveur des délinquants. Tout cela, au nom d’un humanisme typiquement sénégalais
qui met en avant la pudeur, le pardon, la tolérance et la dignité.
Devant
ces entorses à la citoyenneté, des sursauts d’indignation ponctuent,
heureusement, la marche de notre pays. Même si la résistance citoyenne tarde à
avoir la capacité de pression escomptée, elle s’est déjà exprimée dans des
moments graves de la vie de notre nation. Bien avant les mouvements « Y’en
a marre » et « M23 » qui ont voulu impulser le concept de NTS
(Nouveau Type de Sénégalais), des visions comme le « Set-Setal » et
le « Boul-Faalé » avaient voulu réinvestir les exigences citoyennes.
Ces orientations, essentiellement portées par des jeunesses urbaines,
voulaient, comme le dirait Richard Banégas, faire émerger un nouvel éthos de la
citoyenneté, produire de nouveaux imaginaires de la cité et de nouveaux modèles
de citoyenneté critique en partie dégagée des logiques partisanes.
Au
plan individuel, la résistance citoyenne a manqué d’endurance. Ses symboles les
plus en vue ont été souvent sensibles aux sirènes du pouvoir. Des journalistes
de renom et des membres remarqués de la société civile ont vite abandonné le
terrain de l’éveil citoyen pour, arguent-ils souvent, servir leur pays dans le
confort du pouvoir. Si cette finalité semble naturelle pour des politiciens
aguerris, elle semble installer chez les populations un malaise et un doute
quant à la sincérité des engagements pour la patrie. C’est une des raisons pour
lesquelles l’engagement désintéressé pour un Sénégal émergent est, parfois,
assimilé à un manque d’ambitions individuelles.
Un
des moyens de rompre avec une citoyenneté qui répète les mêmes causes pour les
mêmes effets serait la formation au militantisme. Un rôle de premier plan
reviendrait ainsi aux structures politiques qui doivent se doter de véritables
« écoles de parti ». Il est fréquent, en effet, d’observer des
faiblesses au niveau des options idéologiques, stratégiques et éthiques des
formations politiques. Les violences verbales voire physiques ainsi que la
trivialité des sujets qui mobilisent l’opinion sont révélatrices de ce défaut
de culture citoyenne. Notre commun vouloir de vie commune peut s’appuyer sur
une éducation citoyenne renforcée par des échanges de bonnes pratiques au sein
des partis politiques. C’est là, sans doute, une des conditions pour répondre
positivement et efficacement aux ambitions de Macky Sall pour un Sénégal
émergent.
Ben Yahya SY
CCR France/Sénégal

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